Patrick Johnson ramène le style en Australie.

Même après avoir passé près de 4 semaines à faire du tourisme urbain à Melbourne, Sydney et Brisbane, on a du mal à imaginer que l’Australien s’est un jour bien habillé. Pourtant, si vous arrivez à vous procurer les recueils de mugshots australiens des années 1920 Crooks Like Us et City Of Shadows, vous remarquerez un niveau d’habillement bien supérieur à de nombreux pays européens à la même époque. La faute peut-être aux nombreux émigrants américains qui voyaient en la côte est australienne un lieu idéal pour l’arnaque, emportant avec eux leur garderobe Brooks Brothers, Palm Beach, Kuppenheimer et j’en passe.

La vitrine de P. Johnson Tailors au 46 Liverpool Street, Sydney.

La vitrine de P. Johnson Tailors au 46 Liverpool Street, Sydney.

100 ans plus tard, il reste à Sydney un seul tailleur sur Oxford Street, installé depuis 120 ans. Lorsque j’ai rencontré Mr Zink Le Père, qui passe le flambeau à son fils, il semblait désespéré, au milieu de son magasin splendide mais un peu vide, comme si le style avait pris ici l’apparence d’un fantôme pour laisser place à la triste réalité vestimentaire de notre époque : « Quand j’ai commencé, on était 9 tailleurs sur cette section d’Oxford Street. Aujourd’hui on est seuls. Les gens préfèrent s’habiller casual. » Ou prendre un costume en synthétique brillant et trop court chez Zara.

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Pourtant, en s’enfonçant un peu dans le charme bohème de Paddington, on tombe très vite sur cette maison d’angle adorable située dans Liverpool Street, dont la vitrine regorge de blazers parfaitement coupés et de cravates uniques. A l’intérieur, le jeune trentenaire Patrick Johnson, originaire d’Adélaide, dont la carrière de tailleur commence de manière un peu originale. En effet, ne sachant pas quoi faire et venant d’une région à vin, il se lance dans les études d’oenologie, avant de se rendre compte qu’il est allergique au vin… Il décide alors de rejoindre son frère qui étudie à Cambridge, UK et s’inscrit à la Central St Martins School de Londres. Après avoir fait ses classes chez Robert Emmett et de nombreux allers-retours à Naples et Parme, il revient s’installer en Australie avec une idée en tête: ramener autre chose que des shorts de surfs et des t-shirts moulants aux hommes australiens. Fondé en 2007 avec son pote Tom Riley, P.Johnson Tailors gagne rapidement en notoriété, notamment grâce au photogénique Patrick que vous avez certainement déjà vu sur vos blogs préférés.

Chez P. Johnson, tout est fait pour se sentir comme à la maison. Y compris l'accueil.

Chez P. Johnson, tout est fait pour se sentir comme à la maison. Y compris l’accueil.

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Mais le succès se comprend surtout lorsque l’on entre dans leur boutique. On vient ici seulement sur rendez-vous, mais si on tape à la porte et qu’on dit qu’on vient d’Europe pour les voir, on t’ouvre, t’offre une place sur le canap’ et un café, et on te laisse prendre des photos pour ton article. Une île de bonheur au milieu d’une culture « beach and beer » barbante qui vient ravir ceux qui (re)commencent à comprendre que ce qui fait un homme est plus sa garderobe que sa salle de muscu. L’inspiration est italienne avec une touche de folie anglaise pour les cravates réalisées par Drake spécialement pour P. Johnson. Les costumes classiques sont parfaitement coupés, faits à Rome avant de revenir chez les kangourous, les pantalons à taille semi-haute, flat-front et revers large sur le bas sont portés par Patrick et son staff incroyablement cool avec des sneakers blanches ou des mocassins de conduite. J’ai aussi noté que Patrick était le seul avec Steve McQueen à pouvoir porter des playboy chukka booots sans passer pour un handicapé du pied.

Ceux qui aiment les cravates seront servis: le choix est énorme et chacune est produite par Drake pour le shop en édition très limitée.

Ceux qui aiment les cravates seront servis: le choix est énorme et chacune est produite par Drake pour le shop en édition très limitée.

C’est propre, très propre, mais pas trop, juste ce qu’il faut pour chercher cette décontraction qu’on essaie de se donner en permanence tout en gardant une allure de gentleman. Avec un style moderne mais pas cheap, ce petit gars toujours souriant a réussi à créer sa propre marque de fabrique. Chose assez rare, d’autant plus qu’il s’est risqué à l’instaurer à l’autre bout de la planète, dans un pays pas forcément réputé pour son sartorialisme. Et personne ne s’y trompe : Patrick vient régulièrement en Europe chercher de nouveaux tissus, il fait le tour de l’Australie pour offrir ses services de tailleur, a récemment ouvert un autre shop à Melbourne et va déménager prochainement dans un lieu plus grand à Sydney. Pas de folie pour moi, je ne me suis pas permis un costume (relativement bon marché), mais j’ai craqué pour une cravate réalisée à deux exemplaires. Alors, je l’admets, pour choper une cravate, ça va vous faire un peu loin, mais le mec n’est pas fou : vous pouvez commander en ligne. Et si vous y allez, tapez à la porte : c’est certainement le meilleur souvenir que vous pouvez rapporter d’Australie.

Malin le Patrick : on y trouve aussi des shorts de bain qui envoient nu peu plus les Rip Curl et Gotcha des locaux.

Malin le Patrick : on y trouve aussi des shorts de bain qui envoient nu peu plus les Rip Curl et Gotcha des locaux.

Et voici Patrick "Patch" Johnson, l'homme qui est derrière cette petite réussite, le jour où je l'ai rencontré.

Et voici Patrick « Patch » Johnson, l’homme qui est derrière cette petite réussite, le jour où je l’ai rencontré.

http://www.pjohnson.com.au/

http://patrickjohnsontailors.tumblr.com/