The Sting : faire revivre 1936 en 1973.

Les illustrations du générique de The Sting sont inspirées des gravures de mode des années 1930, mettant en scène des gentlemens bien sapés dans leur quotidien.
Il m’arrive, ces derniers temps, de regarder des films que j’ai vus avec mes parents lorsque j’étais petit et que j’ai appréciés, mais plus parce qu’ils étaient associés à un lendemain férié plutôt qu’à une quelconque qualité cinématographique. Le dernier en date de cette série, que j’ai revu récemment, c’est L’Arnaque (The Sting). À l’affiche : Paul Newman et Robert Redford pour un duo de sacrés arnaqueurs, face à l’anglais Robert Shaw. À la réalisation : un George Roy Hill au sommet de sa gloire, nominé 21 fois aux Oscars pour trois de ses derniers films (Hawaii, Thoroughly Modern Millie et Butch Cassidy And The Sundance Kid) entre 1966 et 1969. Et puis ces quelques notes de pianos de Marvin Hamlisch qui mettent de bonne humeur, même lorsqu’elles se répètent des jours durant dans votre tête. The Sting sort en 1973 et cartonne dans les classes populaires comme aux Oscars, avec pas moins de 10 nominations et 7 Oscars emportés, dont Best Director, Best Film, Best Screenplay, entre autres, et bien sûr, Best Costume Design. À l’origine de cet Oscar qui nous intéresse tout particulièrement ici, la grande Edith Head qui gagne son huitième et dernier Academy Award avec ce film dont l’histoire se déroule dans un Chicago de 1936 parfaitement reconstitué. Cette Dame a inspiré sa coupe de cheveux à Mireille Mathieu (Mireille, où es-tu?) mais aussi toute une génération de jeunes femmes grâce aux costumes d’Audrey Hepburn réalisés en collaboration avec Hubert de Givenchy. Voici quelques samples de son travail exceptionnel qui aura une influence sur le cinéma et toute la mode des années 1970.

Gastby, Sergent Waldo Pepper, Roy Hobbs (The Natural) et Johnny Hooker dans The Sting: dans les années 1970, Robert Redford est abonné aux premiers rôles dans les films d’époques 1920’s à 1940’s. Sa démarche, sa bonne tête de ricain cool, beau gosse et son aptitude à enfiler les vêtements cintrés et pantalons taille haute y sont certainement pour quelque chose.
En effet, après The Sting, un revival incroyable a lieu autour des années 1920 à 1940 avec des films comme The Great Gatsby (1974), Chinatown (1974), The Great Waldo Pepper (1975) ou encore le magnifique 1900 – Novecento (1977) de Bertolucci. Quant à la mode des années 1970, si vous êtes un chouille plus cultivé que le type qui associe les années 70 aux Hippies et au Disco, vous verrez dans les rues américaines et européennes la réapparition du costume 3 pièces ultra-cintrés, des vestes belted-back, des spectator shoes, des pantalons à taille haute, des cravates courtes et larges, des blazer à peak lapels, etc. Alors attention, je vous vois venir bande de lâches. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : la mode des années 1970 ne trouve pas seulement son influence dans ce film – l’apparition et le succès des second-hand shops a joué un grand rôle également dans le revival 1930’s/1940’s– mais il y a certainement contribué par son succès et ses références masculines (Newman et Redford, déjà acclamés dans Butch Cassidy And The Sundance Kid). Mais alors là, vous vous débrouillez pour trouver les informations concernant ce sujet. Moi je me contente de vous servir de l’image, des explications sur les costumes du film, et après, faut me foutre la paix. Nul besoin de vous rappeler qu’il est indispensable de re-re-re-re-regarder The Sting en détail.

Dans la première scène d’arnaque, Redford arrive en veston croisé gris, chemise col pointes bleu ciel sans cravate et la fameuse newsboy cap : l’ensemble parfait de l’américain de province des couches inférieures de la société au milieu des années 1930. Le standard est déjà haut, puisqu’il est rare de voir des ouvriers d’usine porter des vestes croisées aujourd’hui.

Robert Earl Jones (père de James Earl Jones, voix de Dark Vador), en costume rayé, joue le rôle du premier « maître arnaqueur » de Hooker. Sur cette photo, on peut voir le reste de l’ensemble de Redford : pantalon gris à revers et wingtips usées.

Dans à peu près tous les films mettant en scène cette époque, de Scarface (1932) à Lawless (2012), la première chose que le jeune héros fait après avoir gagné un peu d’argent, c’est s’acheter un costume. Et ce n’est pas que de la fiction : de nombreux écrits de Fitzgerald ou Hemingway prouvent que le costume est le premier acte d’achat personnel d’un jeune homme. Le costume extravagant de Hooker est bordeaux à rayures saumon, veste simple deux boutons et peak lapels énormes.

La perfection se vérifie dans les détails. Edith Head s’est complètement lâchée sur les chemises à motifs qui étaient monnaie courante des Années Folles au milieu des années 1940, comme en atteste les catalogues d’époque de Montgomery Ward ou Sears-Roebuck, par exemple : motifs discrets et parfois complexes comme ici, mais motifs quand même.

La rencontre entre les deux héros Hooker (Redford) et Henry Gondorff (Newman, de dos dans la baignoire, pas la chasse d’eau).

Le mauvais garçon du Lancashire, Robert Shaw, joue ici le rôle de Doyle Lonnegan: tricheur, boiteux, mauvais perdant, il a tout du parfait méchant. Il joue au golf, cliché du riche, et ne se sépare jamais de son bouldogue en costume croisé (joué par la gueule cassée de Charles Dierkop) qui vous rappelle sans aucun doute le gangster Mugsy des Looney Tunes – lui-même inspiré de l’acteur de la Gangsters Era d’Hollywood, Edward G. Robinson.

Newman a déjà joué avec Redford dans un autre excellent film de George Roy Hill : Butch Cassidy & The Sundance Kid. En tant qu’Henry Gondorff, il joue dans The Sting l’As de l’arnaque, l’As du poker et bien souvent l’As du style du vieux d’la vieille cool.

Kid Twist (joué par Harold Gould) est un peu l’ancien du « milieu » dans The Sting. Il est le seul à afficher une garderobe clairement fin années 1910/début années 1920 avec un round collar détachable, une camel coat splendide et un Homburg de feutre gris (ce chapeau à bords courts relevés très prisé au milieu des années 1910, mais qui perdurera jusque dans les années 1950 dans l’aristocratie anglaise, dont Churchill).

Costume croisé chalkstripe et cravate à pois pour le méchant et « arnaqué » Lonnegan (joué par Shaw).

Bon, le King Of Cool dans ce film, vous l’aurez compris, c’est Paul Newman dans le rôle d’Henry Gondorff.

Redford se balade dans son trois pièces gris dans un quart du film. Ce n’est cela dit pas ce qui correspond le mieux à son rôle même si le costume en lui-même est absolument parfait.

Encore ces détails qui font de ce film un bijou de style: chemises à petits motifs carrés, cravate à pois, bretelles à rayures et tie pin (pour maintenir la cravate droite) sur Robert Shaw.