Plus-fours: le sportswear d’une époque.
par greensleevestoaground
Je commence par une affirmation, donc déjà, ça va vous faire chier parce que je ne vous laisse même pas le choix de discuter la question. Et c’est très bien comme ça, puisque votre avis, vous pourrez vous le faire après avoir lu cet article. Personne ne doit vraiment savoir ce qu’est un plus-fours, que l’on appelle aussi breeches ou breeks en Angleterre, ou knickerbockers. Ca y est, ça vous revient et là tout de suite, vous voyez Tintin se balader avec Milou en pantalon bouffant qui arrive sous les genoux. Et bien c’est ça un plus-fours: un « pantalon » qui tombe 4 pouces sous les genoux. Il existait aussi les plus plus-twos, -six, -heights. Pas évident de le comparer aux breeches anglais, ces pantalons courts de chasse, qui eux ne sont pas bouffants, pourtant, ça vient de là. Comme souvent, cette mode qui durera près de 30 ans, et plus chez les enfants, nous vient d’Angleterre et s’est surtout hyper-développée aux États-Unis. Apparus dans les forêts humides du Royaume-Uni, aux jambes des riches chasseurs dans les années 1860, c’est certainement l’un des premiers vêtements que l’on peut considérer comme sportswear, puisqu’il a été développé pour répondre à une contrainte technique liée à un sport. En l’occurence, ne pas dégueulasser son pantalon quand on court après un sanglier dans les ronces et la boue. Eh ouais, pas con! Alors ma vraie question, maintenant que vous savez que c’est du pur sportswear au même titre qu’une paire de Reebok Pump, c’est pourquoi cette arrivée dans les villes américaines où cette tenue cocasse a connu ses heures de gloire?
En 1924, un certain Edouard VIII, qui n’était alors que Prince de Galles, débarque aux US pour une visite diplomatique, mais pas en costume trois-pièces tout triste, non non, mais avec une paire de plus-fours. La popularité du bonhommme est telle à l’époque, véritable emblème de jeunesse, de fraîcheur sur l’Angleterre et extrême sympathie, que le plus-fours est adopté par la plupart des couches sociales des États-Unis, et notamment les artistes. Évidemment, la tenue plus-fours, sweater col V, chemise, cravate et casquette newspaper boy fait fureur sur les cours de golf, notamment grâce au grand Bobby Jones. Les danseurs se l’approprient aussi, associé à des spectator shoes (wingtip bicolores), on habille les enfants avec en gardant leur fonction principale: ne pas salir un pantalon dès qu’on court dans la boue. Les pilotes de moto ou d’avion et les cyclistes s’y sentent très à l’aise également, parfois équipés en haut d’un blouson en cuir de type A1 ou D-Pocket. Mais dans la plupart des montagnes européennes et en Allemagne, les knickerbockers ont aussi toute leur place: trop pauvres pour s’acheter plusieurs pantalons, les paysans de Bavière les ont adoptés également. En montagne, c’est l’allié parfait: il ne gêne pas les pas en randonnée, il ne se mouille pas lorsqu’on s’enfonce dans la neige et les alpinistes sont légers et libres de tout mouvement en plus-fours.
Été comme hiver, le plus-fours se présentent sous forme de tenues casual, avec une simple chemise et des wingtips ou des bottines (workwear et outdoor) et même sous forme de costumes deux ou trois pièces. Je vous laisse imaginer la joie des fabricants de chaussettes qui se laissent aller à des motifs et couleurs complètements fous, pas si loins du psychédélisme (idem pour les sweaters et les cravates des Années Folles). Mais à peine le Prince Édouard revenu de sa visite, la prestigieuse université anglaise d’Oxford interdit les knickerbockers à ses élèves en 1925. Hop hop hop, on n’enlève pas sa liberté à un étudiant d’Oxford comme ça! Les plus-fours sont donc dissimulés sous des pantalons très larges qui deviendront une mode phénoménale de la fin des années 1920: les oxford bags. Pourtant, la mode du plus-fours subsiste dans le monde occidental pendant encore une dizaine d’années et vous en avez ici la preuve en images, pour la plupart datées des années 1930 et issues de toute l’Europe.
Bonjour,
Quel passionnant billet ! Vraiment ! C’est un bonheur de voir de si belles images d’archives, sans compter l’histoire du plus-fours que je ne connaissais absolument pas.
J’ai d’ailleurs celui que mon grand-père possédait quand il était assez jeune, mais de ce fait, il ne me va pas…quel dommage.
Merci, en tout cas, pour ce billet.
A bientôt
C’est quand tu veux que je te glisse un petit billet! hahaha.
Essaie de faire reprendre celui de ton grand-père pour le mettre, c’est une sacrée veine que tu as là.
A bientôt,
F.
Cher F.
tout d’abord merci, car moi non plus je ne connaissais pas l’appellation.
sans le savoir, j’en possède un pour la chasse ou ballade en campagne.
son avantage: ne pas salir le froc’ mais les chaussettes, elles elles dégustent a chaque fois…
a bientôt de vous lire.
ps: j’adore la formule « crotte de nez stylistique »
Charles
Merci Charles. Je vous glisserai quelques petites formules dans mes prochains articles.
Quoiqu’il en soit, une paire de chaussettes hautes en laine coûtent une vingtaine d’euros. C’est toujours mieux que de salir un pantalon qui vaut 5 ou 10 fois plus.
F.
Ha ouais, chouette article très bien illustré !
C’était beau ces pantalons, ces chaussettes obligatoirement impeccables et ces chaussures forcément montrées.
Bravo.
Merci Philippe,
effectivement, c’était beau. C’est marrant de voir que ce besoin de montrer les chaussettes et les chaussures est revenu chez nos « hommes tendances ». J’en fais moi-même partie. Mais comme les hommes de l’époque qui ont commencé à porter des knickerbockers en ville, nous avons bien souvent oublié l’utilité première de ce que nous portons. Personnellement, je ne connais pas grand monde qui soit capable de s’habiller bien et utile à la fois. C’est soit l’un, soit l’autre.
À bientôt et bravo à vous, pour me suivre malgré mes longs articles.
F.
Nul mérite quand le billet est si instructif. Sinon, j’ai beau aimer ces tenues, je crois tout de même que les porter aujourd’hui est un peu radical dans le sens où l’environnement vestimentaire ne s’y prête plus… A suivre.
C’est plus une question de personnalité que d’environnement vestimentaire dont, vous l’aurez compris à travers mon blog, je n’ai que faire! haha
Habillez-vous d’après ce que vous êtes et aimez, pas d’après ce que les tendances ambiantes vous dictent.
Et c’est bien ce que je fais, mais je suis adepte de la discrétion.
En 1925, porter ces pantalons n’entrainait pas que l’on se retourne sur votre passage, il en va autrement aujourd’hui. Et puis, porter des plus four et monter dans une 307, ça ne va pas, tout compte. C’est comme les types qui roulent en Harley et portent des baskets 2011, pour moi, c’est choquant.
Hahahahahha, le coup de la 307 a détruit toute ma philosophie. Bien joué! Effectivement, ce n’est pas le meilleur modèle pour s’afficher en plus-fours. Un simple vélo résoudrait le problème.
Ça marche aussi avec une audi ou une mercedes… ou tout autre voiture de notre époque, même avec un scooter moderne d’ailleurs.
Bon, j’ai un vieux Old Dutch monovitesse et rétropédalage, je vais voir ce que je peux faire…
Tant que c’est pas un fixie, vous pouvez continuer de lire ce blog. hahaha
C’est un pignon fixe, mais pas un fixie de hipster pour jouer les new-yorkais dans les ruelles du Marais. Non, le mien est un batave respectable, de votre âge à peu près, un bon cheval de trait qui ne dit jamais non.
Sur le principe, ne pourrait-on pas voir une lointaine parenté entre ces pantalon de golf et la tendance qui est apparue dans la rue il y a quelques années, consistant à rentrer le bas du survêtement dans les chaussettes? Le concept de vêtement « sport », le style en résultant et l’esprit général sont complètement différents mais la question me turlupine…
Figurez-vous que je pense depuis longtemps à la même chose! Il y a peut-être un lien à faire effectivement. Le problème, c’est que contrairement aux plus-fours, je ne connais pas tellement l’origine et l’utilité du pantalon rentré dans les chaussettes. Je pense que cela vient plutôt du fait que Nike a commencé à faire des running très chères (comme les fameuses « Requins ») et qu’on était tellement fiers de ses chaussures que l’on a remonté le pantalon pour les montrer. Du coup, le lien serait plus à faire avec les années 60 où les pantalons se sont raccourcis chez les étudiants pour montrer leurs belles loafers Alden ou GH Bass.
Et cela se complique dans la mesure où il n’y a souvent qu’un côté du pantalon qui est remonté… Ils ne sont fiers qu’une d’une basket ?
[…] autant pour les habits que pour leurs montures avec de nombreux gentilshommes en plus-fours, complets en tweed et noeuds papillons de toutes les couleurs. Pour les vélos, certains sont allé […]
Bonjour Knickerlovers,
Merci pour ce bel article qui retrace l’histoire du knickers, j’ai le plaisir de vous informer que nous sommes spécialisés dans la confection de knickers sur Paris 🙂
http://www.knickerbocka.com
X
J’ai cru comprendre oui, et l’initiative est géniale. On va rester en contact par mail, c’est sûr!
A bientôt,
F.
Bonjour!
Article super intéressant sur les knickers.
Tu (je me permets de te tutoyer) parles d’une mode qui revient. Je le pense. Je te conseil d’aller jeter un petit coup d’œil à ceci :
http://www.knickerbocka.com/
Bonne journée!
Merci. Tu peux te permettre. Je le penseaussi. J’ai jeté un coup d’oeil. C’est une belle initiative.
Si tu fais partie de l’équipe qui a eu la bonne idée de remettre les knickers au goût du jour, je vais répondre au mail qui m’est parvenu.
Bonne journée à toi aussi!
bonjour
j’ai trouvé une ancienne photo années 20 ou 30 et j’aimerais vu l’habillement que vous puissiez dater cette photo.
est ce possible ?
Bonjour,
je ne peux rien vous promettre mais on peut tenter de se faire une idée en regardant l’habillement, oui. Envoyez-moi simplement la photo à l’adresse suivante et je ferai de mon mieux pour donner une date approximative : greensleevestoaground@gmail.com