Pour vous, ce titre sonne certainement très différemment dans vos oreilles attentives à la moindre nouvelle tendance stylistique. La faute à une marque qui, on ne sait pas pourquoi, victime de son succès, ouvre boutique sur boutique en Europe. Eh non, « The Couples » dont il est question ici ne sont pas « The Kooples ». J’ai bien du mal à évoquer ne serait-ce que son nom, mais il faut bien le faire pour en parler brièvement. Essayez de pénétrer dans l’une de ces boutiques à la devanture noire et à l’accueil des vendeurs/euses qui l’est tout autant. Il faut bien peu de temps pour s’apercevoir que l’on a là affaire à l’un des plus beaux foutages de gueule, désormais monnaie courante dans ce que l’on serait tenté d’appeler « la mode », et Deedee ne dira pas le contraire. Je tâche de retrouver mon calme et je vous explique pourquoi. De loin, ça peut faire rêver: une campagne de communication efficace et martelée, qui montre essentiellement des couples qui font la tronche, des boutiques sobres et des produits qui paraissent bien… de loin. En s’approchant, on découvre des matières toutes aussi laides et pauvres les unes que les autres, une qualité qui pêche en de nombreux points, une inspiration et une palette de couleurs qui nous expliquent pourquoi les « Kooples » font la tronche, puisqu’elles sont d’une monotonie et d’une morosité à en faire pâlir un croque-mort. Mais les auteurs de cette goujaterie ont tout compris: leurs « vêtements » ne se vendront que si les prix pratiqués sont tout aussi aberrants. Et ils le sont! Près de 1000 euros pour sortir avec un blazer bleu marine qui s’arrête au nombril, une chemise en papier froissé et un jean coupe cigarette que vous n’aurez pas de mal à fumer au moindre accroc. Une affaire qui marche, c’est certain, lorsque l’on se ballade Rue de Bretagne au milieu des dandy charlatans attablés en terrasse pour montrer « comment elle est bien ma tenue, d’ailleurs la preuve, regarde les centaines d’autres mecs dans ce bar ont exactement la même. » Oui, parce que le style pour ceux-là, c’est l’appartenance à un clan, où l’indépendance proclamée haut et fort s’épuise dans leurs opinions chantées à l’unisson, où l’originalité ne se résume qu’ à la copie et à l’imitation du groupe auquel ils appartiennent et où la lucidité est rejetée comme une hérésie des temps modernes. Bien tristes sont-ils, et bien à leur image est la marque qui s’en veut le porte-drapeau. Moi, aigri? Certes pas non! Libre? Oui, je l’espère! Alors ressors des abîmes indépendance d’esprit pour venir taquiner ces communautarismes religieux et sociaux qui s’accrochent à une époque où la plus belle liberté que l’on ait, c’est celle d’avoir le choix dans tous les domaines et de s’enrichir de la curiosité de nos semblables. Inspire-toi de ces modestes scans de l’Esquire de septembre 1967 pour montrer que « The Couples » – d’une époque où les Melville et Kubrick étaient devenus des Grands pour être sortis des sentiers battus du cinéma – n’avaient pas besoin de s’enfermer dans la masse leader de leur temps pour être reconnus. Un temps où l’indépendance des goûts et des opinions était considérée comme une force et non comme une faiblesse…


Merci à Gloucester, A Bottled Spider pour les scans.