Pays de mon enfance, Clermont-Ferrand en Auvergne, autant vous le dire tout de suite, on aime ou on n’aime pas. Située dans une cuvette au pied des Volcans d’Auvergne, la « ville noire » (à cause de la pierre de Volvic utilisée dans son architecture dont la cathédrale), peut faire rêver le tout-venant comme le faire fuir. Mais s’il y a une chose qu’on ne puisse lui reprocher, c’est bien son terroir. Qui pourrait oublier que l’Auvergne est le pays de l’aligot, de la truffade et de sa mythique potée? Chez Emmanuel Hodencq, c’est tout autre. Etoilé depuis 11 ans (une étoile pour être précis), il est certes attaché au terroir de sa région, mais il le réinterprète, le scénarise à sa sauce pour ceux qui oseront faire abstraction de l’architecture discutable du Marché St-Pierre au-dessus duquel il se trouve. Bien loin de chasser l’étoile Michelin lorsque je vais au resto, ce qui m’a attiré ici, c’est le menu déjeuner « Le Cercle » à 25€. Manger chez un étoilé à moins de 30€, c’est suffisamment rare pour attirer la curiosité. Lorsque j’arrive, c’est un décor chic et sobre, feutré mais pas ennuyeux. Sobre? Moins lorsque vous faites connaissance avec la maîtresse des lieux, Viviane Hodencq, femme du chef. Souriante, drôle, avenante un petit bout de bonne femme qui apporte une ambiance bistrotière à ce restaurant haut de gamme, et c’est extrêmement agréable et bon enfant.

Le Marché Saint-Pierre en 1904. C'est ici que se trouve le restaurant d'Emmanuel Hodencq aujourd'hui.
Je passe à table avec la ferme intention de faire sa fête au menu comprenant un plat « idée du jour », un dessert, un vin et un café. Première surprise: je reçois une amusette de bienvenue, le genre de geste bien rare et qui plus est lorsque c’est un pressé de pied porc et lentilles, jus de betterave. C’est petit, mais frais et on est rapidement mis en appétit. Le sommelier se pointe à ma table: sachant que l’idée du jour comporte des noix de Saint-Jacques, j’opte pour un blanc. On m’amène un verre de Viré-Clessé. Un chouilla trop frais mais suffisant et superbement accordé avec le plat qui arrive rapidement: noix de St-Jacques dorées, paille de Chicon et soupe aux agrumes. On est toujours dans un menu à 25€! Les Saint-Jacques s’ouvrent sous un léger mouvement du poignet et du couteau: c’est tendre, c’est bon. La paille de chicon avec sa consistance particulière, presque élastique vient bousculer la tendresse et le fondant des noix. Et pour finir une soupe d’agrumes en petite quantité qui vient relever l’ensemble d’un piquant léger amer et sucré. Dans l’ordre, cela donne des papilles caressées par les Saint-Jacques fondantes, puis excitées par le chicon avant de pétiller sur la soupe d’agrumes. Avec un vin légèrement citronné lorsqu’il se dévoile, c’est frais et jouissif à souhait, à la fois en saveurs et en textures!

Les Noix de Saint-Jacques dorées, paille de chicon et soupe d'agrumes. Simple et plein de fraîcheur. Jeux de saveurs et de consistances en bouche. Parfait.
Il faut se reprendre pour enchaîner sur le tiramisu, présenté en verrine et très habilement réalisé. Encore une touche de fraîcheur, on découvre le café, le chocolat, le biscuit croustillant au centre, le chocolat moelleux au fond, une dose presque difficile à manger de cacao sur le dessus. Mais on est où là?! Pas lourd pour un sou, le tiramisu plane au-dessus des rencontres que l’on a fait avec le plat précédent, comme pour venir les chapoter avec précision. Et on est toujours à 25€, j’insiste. Pendant ce temps, Viviane fait le tour de ses convives, en mode tables d’hôtes! Plaisant. Je finis avec un café, prévu dans le menu, et des mignardises succulentes.

On le tient enfin ce tiramisu ni trop pesant, ni trop léger mais assurément malicieux et délicieux par sa prestance gourmande.
La maîtresse de maison revient vers moi pour me demander ce que j’ai pensé de leur formule « Le Cercle ». Voici ma réponse: c’est le sans-faute en rapport qualité-prix! On mange en une heure, c’est raffraîchissant, ça donne un coup de pied aux fesses pour repartir de plus belle au bureau l’après-midi, et croyez-moi, on ressort le ventre bien rempli. Plus adapté au déjeuner: quasi-impossible. Certes on repensera aux Noix de Saint-Jacques fondantes tout l’après-midi, certes on cherchera à retracer tous les jeux de textures, du croustillant au moussant, du tiramisu en pleine réunion, mais on restera heureux. 29,50€ avec une demi-bouteille d’Evian pas indispensable, j’en oublie même ma carte bancaire et… Pardon? Le menu change tous les midis? Soit, je vais peut-être y prendre quelques coquettes habitudes chez cet Emmanuel Hodencq, y compris le soir où le menu « Retour du marché » est à 37€. Si j’avais eu un chapeau ce jour-là, je l’aurais ôté bien bas Monsieur et Madame Hodencq!

On prend soin de vous et de votre palais jusqu'à la dernière minute dans cette formule "Le Cercle" très efficace pour 25€. Pas un remède anti-crise pseudo-à la mode ce menu, mais un prix juste pour des mets classico-impertinents qui le sont tout autant.
Restaurant Emmanuel Hodencq. Place du Marché Saint-Pierre, 63000 Clermont-Ferrand. Tél: +33 (0)4 73 31 23 23.