greensleeves to a ground

Mois : février, 2010

Gant Rugger

Il était question du style universitaire américain dans le précédent article. Gant en a fait le thème principal de sa collection « Rugger » printemps-été 2010.  A partir d’archives photographiques et de sa grande connaissance de l’histoire du style américain, le designer Christopher Bastin reconstitue un style très « preppy » (l’équivalent de nos BCBG) en vogue dans les années 1960 et 1970. Née à cette même époque, Gant Rugger est une illustration particulièrement réussie de l’histoire de la marque devenue un standard du style traditionnel américain.

Même si Gant est officiellement née en 1949, il faut remonter à 1914 pour voir les premiers « G » apposés sur les chemises fabriquées par Bernard Gant, immigrant ukrainien installé à New-York. Très vite, ce gage de qualité va l’amener à fournir en chemises des marques aussi prestigieuses que J. Press et Brooks Brothers. Avec ses frères Marty et Elliott, Bernard a monté une affaire qui marche à New Haven, Connecticut. Dès les années 1960, Gant envahit les campus et devient une référence pour tous les étudiants américains en quête de sportswear de qualité. A l’époque, Gant est l’un des plus gros vendeurs de chemises au monde.

Lorsque son fils reprend les rênes de l’entreprise familiale, il décide de faire du maillot de rugby une nouvelle icône de la garde-robe américaine. Aux Etats-Unis, ce  maillot (et le sport qui va avec) est appelé « The Rugger ».  Idée qui a plutôt bien fonctionné… En 1973, la  première collection Gant Rugger fait son apparition. Malgré un succès important et une ligne sportswear superbe, le label Rugger est peu à peu relégué vers le fond des placards. En effet, la petite affaire familiale devenue grande passe de mains en mains, achetée puis rachetée jusqu’à trouver un repreneur définitif suédois en 1981.

Près de 30 ans après, Gant Rugger réapparaît à travers une collection presque immaculée : un véritable voyage dans le sportswear américain des années 1960. Christian Chensvold (fondateur du blog de référence Ivy Style) a d’ailleurs établi un parallèle juste et intéressant entre la collection et le fameux livre « Take Ivy », bible du style universitaire américain à sa plus belle époque. On ne serait parfois pas contre retourner sur les bancs de la fac.

http://www.gant.com/gantrugger/

Letterman & Varsity Sweaters.


On connaît tous aujourd’hui ce style hérité des universités américaines, qui consiste à porter un pull, un cardigan ou un blouson à manches cuir arborant une grosse lettre. La superbe marque Rugby Ralph Lauren ou encore Gant s’en sont fortement inspirées pour créer leur propre style. Mais ces lettres, appelées « varsity letters » (littéralement « lettres universitaires ») ont une histoire et une signification importantes pour les étudiants américains et leurs prestigieuses écoles que sont Harvard, Princeton ou Yale.

Un joueur de Princeton.

Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, les universités américaines organisent de plus en plus d’évènements sportifs et créent donc leurs équipes. Il y a alors un réel besoin de se distinguer entre écoles,  et au sein de l’équipe.  C’est dans ce but dernier que les lettres et leurs « lettermen » vont naître.

L’équipe de baseball de Harvard est la première à arborer un « H » (dans la typo Old English) sur ses chemises de flanelle grise en 1865. Lors des 25 années qui vont suivre, une pratique s’instaure. En effet, le capitaine de chaque équipe va attribuer une lettre aux joueurs qui ont participé au plus grand nombre de rencontres ou aux rencontres les plus importantes (par exemple, celles contre Princeton ou Yale). Si en revanche, un joueur jouait peu, il se voyait obligé de retourner sa veste en fin de saison pour qu’on ne voit pas la lettre.  Les règles précises d’obtention d’une lettre variaient suivant les sports : golf, tennis, basketball, baseball, football, hockey, etc. La « varsity letter » devient dès lors une importante distinction universitaire, et la tradition est restée.

Les tennismen portaient aussi des "letterman sweaters". Ici, des étudiants en droit.

Jimmy Lovely, basketteur de l'Université du Connecticut, en 1923.

Apparemment, d’après la Varsity Letter Award Society (VLAS), le premier témoignage du développement de cette forme de distinction dans les grandes écoles en général, et non plus seulement dans leurs équipes sportives ou leurs fanfares, apparaît sur une photo de 1911, où un étudiant porte un pullover arborant un « P » sur une photo de groupe. Même si le fameux « letterman sweaters » est porté depuis 1891 par les « Nine » de l’équipe de baseball de Harvard.

Un footballeur de l'Université du Montana.

L'art de porter un letterman sweater, alternative au costume classique pour cet étudiant en droit (1943).

Sur un « letterman sweater » traditionnel, la lettre est centrée lorsque c’est un pullover, et sur la poitrine à gauche lorsque c’est un cardigan. Sur le bras gauche, le nombre de traits correspond au nombre de lettres obtenues. On reconnaît également les capitaines d’équipe grâce à une étoile.

Le Letterman's Club de Farmington (Nouveau-Mexique) en 1954. On voit bien ici le nombre différent de bandes sur le bras gauche, équivalent du nombre de lettres obtenues par l'étudiant.

Sur cette photo de 1952, on a aussi bien les deux rayures sur la manche gauche... Superbement coordonnées avec le T-Shirt.

Ce n’est que dans les années 1940 que le célèbre blouson « leather sleeves » (dont il n’est pas forcément question ici) fait son apparition pour cartonner des années 1970 à nos jours. Il est aujourd’hui le vêtement officiel universitaire qui démontre que la tradition des « varsity letters » se perpétue. Et les étudiants français, elles sont où leurs traditions vestimentaires ?

 

 

Des "anciens" ont ressorti leurs letterman sweaters et jackets. On aime l'accident dans le boutonnage (à droite).

Comme dit en introduction, Ralph Lauren propose des versions actualisées de « letterman sweaters » dans sa collection Rugby, mais relativement fidèles à l’histoire du « varsity letter award ». Cardigan, pullover ou sweater, on le portera idéalement avec une chemise oxford et une cravate, ou un noeud papillon.

Ralph Lauren Rugby la joue dans les détails, avec l'étoile portée par les capitaines d'équipe...

... et la bande de couleur sur la manche.

... ou la bande de couleur sur la manche gauche.


 

Last of the Summer Wine

Débutée en 1973 sur BBC One, la sitcom Last of the Summer Wine met en scène trois personnages : trois papis, vieux, grands-pères, appelez-les comme vous voulez. 31 saisons et 300 épisodes : un record absolu ! Alors qu’est-ce qui peut bien attirer autant de spectateurs dans le monde entier à suivre une série filmée dans le West Yorkshire ? C’est simple, nos trois hommes dans la force de l’âge sont à l’origine de ce succès : ils sont attachants, drôles, stylés et n’ont pas peur du ridicule.

Les trois personnages de Last of the Summer Wine : Norman Clegg, Foggy Dewhurst et Compo Simmonite.

C’est Roy Clarke qui, en 1971, a l’idée de cette histoire qui n’en est pas vraiment une, puisque la caractéristique de chaque épisode est qu’il ne se passe rien… C’est sûr qu’à Holmfirth, petit village aux maisons de pierre de l’Angleterre profonde, l’action n’est pas au rendez-vous. Mais ce qui nous intéresse, ce sont les personnages, tous âgés de plus de 60 ans.Le trio d’acteur incroyablement bien casté qui va devenir culte est composé de Peter Sallis (Norman Clegg), Brian Wilde (Foggy Dewhurst) et Bill Owen (Compo Simmonite). Evidemment, au fil des années, les acteurs sont remplacés par d’autres (Brian Wilde et Bill Owen sont décédés). C’est le risque de faire jouer des comédiens d’un certain âge sur une série qui dure depuis plus de 30 ans.

Foggy, le militaire vétéran déterminé de la série, reconnaissable grâce à sa Field jacket qu'il porte sur une veste en tweed, chemise et cravate.

Hormis la beauté du village et de ses environs, les scénarii se limitent à la relation des trois héros avec leurs voisins, et leurs expériences diverses pour tenter de ne pas s ‘ennuyer. Ce qui est véritablement intéressant est plutôt le côté « critique sociale » de la série. Last of the Summer Wine est en effet un superbe portrait positif des personnes âgées. Les personnages font preuve d’un point de vue excentrique et borné typique des gens de la campagne, et deviennent de vraies gosses dès qu’il s’agit d’entreprendre quelque chose.

Norman Clegg, discret adorateur de la vie est "intello" du trio.

36 ans de carrière, des inconditionnels aussi prestigieux que la Reine Elizabeth ou  Hamid Karzai, les producteurs ne sont pas prêts d’arrêter la série : 6 nouveaux épisodes prévus pour 2010 ! Avec, on l’espère, autant de style que dans les saisons précédentes.

Le très "sartorial" Compo Simmonite, casse-cou de la bande.

All Pictures : ©1990-1998 BBC

Sports d’hiver : à l’aube des JO.

Les XXIe Jeux Olympiques d’Hiver de Vancouver sont lancés ! L’occasion de s’intéresser aux sports d’hiver, aujourd’hui démocratisés (du moins le ski), mais auparavant réservés à une élite. Il faut remonter bien loin dans le temps pour être épargné des combinaisons fluos sur les pistes, des skis genre « tuning » et des parcs à touristes que sont devenues nos stations. Oui, il y a eu une époque où l’on allait en montagne en pull, chemise et cravate, où skier et pratiquer le hockey ressemblait à une danse gracieuse et fluide et où l’on pouvait prendre tranquillement son chocolat chaud avec sa dulcinée ou ses amis près de la cheminée de son chalet.  Et y compris lors des JO.

Les débuts du slalom au milieu des années 1920. A l'époque, pas de combinaison moulante, ni de masque.

Les Jeux Olympiques d’Hiver sont officiellement nés bien plus tard que ceux d’été. Les premiers qui ont lieu sous le nom Winter Olympic Games, se tiennnent à Chamonix en 1924. Pourtant, dès 1901 sont organisés tous les quatre ans les Nordic Games, créés par Viktor Gustav Balck. En tout, sept seront organisés, entre 1901 et 1926, principalement en Suède.

L'Italien Nino Bibbia sur l'épreuve de skeleton à St Moritz (1928)

Clas Thunberg

Jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale, les Jeux Olympiques d’Hiver vont prendre place dans des lieux aussi prestigieux que St-Moritz (1928), Lake Placid (1932) et Garmisch (1936). On peut alors assister à des parties de curling, au patinage artistique ou de vitesse, au hockey sur glace, au ski alpin, à une descente de skeleton ou encore à l’impressionnant saut à skis. La première médaille d’Or de l’histoire des JO d’hiver fut remportée à Chamonix par l’américain Charles Jewtraw, en patinage de vitesse.  Mais c’est un finlandais qui en sera la première légende, Clas Thunberg, en remportant 5 médailles d’or, une d’argent et une de bronze sur les différentes épreuves de patinage de vitesse.

Edward Blood, membre de l'équipe olympique américaine à Lake Placid (1932)

William K. Jackson et son équipe britannique de curling l'année de leur titre olympique à Chamonix (1924)

Dès 1924, les JO sont un succès. Cela  a certainement contribué à l’augmentation de pratiquants de sports d’hiver. On pratiquait alors bien différemment ces sports : le ski en knicker pants, pull et chemise, le hockey en sweater style Cricket et le curling, comme si on allait au bal du coin. Non sans rapport avec l’appartenance sociale de ses pratiquants, le style de l’époque n’est pas sans rappeler les collections actuelles de Ralph Lauren

Toni Matt et Luggi Foegger.

L'équipe canadienne de hockey (1930)

Gentlemen Farmers

Si l’on constate aujourd’hui un retour en force du tweed,  des chemises Tattersall, des cravates à motifs « blasons » aux couleurs nobles, des cardigans en alpaga et des pulls Fair Isle, c’est certainement grâce à eux: les Gentlemen Farmers. Eux s’habillent ainsi depuis toujours. Ces riches agriculteurs, qui n’ont pour la plupart jamais utilisé un tracteur, propriétaires de leurs propres terres ont inventé un style représentatif de leur statut: des formes classiques, pratiques et confortables, des matières traditionnelles et robustes.


Le Ballinasloe Horse Fair, le Milk Market irlandais ou le Heavy Horse Show écossais sont l’occasion de rencontrer ces hommes, plutôt discrets, au visage marqué par le travail de la terre et leurs cheveux blanchis par le temps. Le mariage parfait entre la virilité, la force de l’âge et l’élégance.

Ballinasloe Horse Fair, Ireland (photos by Eddie Mallin)

Heavy Horse Show, Kittochside Farm, Scotland (photos by Alistair)

other photos courtesy of Emma Jervis and Rob Pendleton.

L’Âge d’Or du tennis.

Tout dans le tennis relève de la grâce: la gestuelle, le physique des joueurs, le court, la raquette et surtout le style vestimentaire.  Après les Rois, les nobles, les hommes de cour aux XVe et XVIe siècles, ce sont des fils de bonnes familles, des gentlemen, qui deviendront les légendes de ce sport; ceux qui ont un certain sens des manières, qui savent manier l’élégance et l’habit . Pendant les années 1920 et 1930, le tennis est devenu le terrain des coups droits gagnants, des montées aux filets et des aces, mais aussi celui du style et de l’art de jouer en gardant une certaine prestance. Alors l’inspiration évidemment, n’en est que plus intéressante. Pour témoins, aujourd’hui encore, Jean René Lacoste et Frederick John Perry.

Le Britannique Fred Perry & l'Américain Frank Shields.

Une fois n’est pas coutume, le tennis est un sport d’origine française. Il remonterait au XIIIe siècle, lorsque le Jeu de Paume fut créé. Ce n’est qu’au XVIIe siècle que la première raquette est apparue et au XIXe que le Jeu de Paume (avec raquette donc) se développe dans le monde entier, particulièrement en Angleterre, où on l’appelle Court Tennis. C’est ce mot, issu du vieux français « tennetz », prononcé au moment de lancer la balle au Jeu de Paume, qui restera.

Les Quatre Mousquetaires à la Coupe Davis de 1927. Jacques Brugnon, Henri Cochet, René Lacoste et Jean Borotra.

Au début du XXe siècle, les joueurs de tennis se distinguent peu des joueurs de cricket. Les hommes portaient un pantalon blanc en flanelle,  une chemise blanche et ajoutaient parfois un sweater à torsades col V.

Les différents styles des participants à Wimbledon, peu avant la Première Guerre Mondiale. Au centre, le premier grand champion, Tony Wilding.

Le néo-zélandais Tony Wilding en Blazer "Trinity College", et l'Australien Norman Brookes dans son pardessus traditionnel.

L’Américain Bill Tilden est considéré comme le premier joueur à avoir apporté sur le terrain un style propre au tennis. A la même époque Jean René Lacoste, surnommé « Le Crocodile » fait son apparition sur les tournois.

Finale des Internationaux de Philadelphie en 1927. René Lacoste (à droite) battra Bill Tilden (à gauche).

Le style de Tilden combinait quelques pièces maîtresses qu’il aimait varier et marier suivant la saison, le lieu ou le niveau du match:  une chemise manches longues retroussées jusqu’au coude, le traditionnel pantalon blanc de flanelle et une collection de sweaters col V. Aux pieds, les classiques tennis en toile blanche ou de cuir marron ou noir.

"Big" Bill: chemise retroussée, et tennis en cuir.

Tilden et son protégé Sandy Wiener, 1923.

René Lacoste a un style plus sobre, uni, certainement témoin d’une personnalité plus réservée, qui n’enleva rien à son talent et à son élégance. Il est pourtant l’un des premiers à porter le polo sur un court, comme Don Budge et Gottfried Von Cramm un peu plus tard.

Chaplin et Lacoste.

René Lacoste et Suzanne Lenglen.

Lacoste en polo.

L'Américain Donald Budge, champion des années 1930.

L'Allemand Gottfried von Cramm, son polo, sa ceinture, son geste.