Même s’il est vrai qu’une belle voiture attire les jolies filles, n’oublions jamais qu’elles ont été inventées pour le plaisir des hommes. Le plaisir d’aller vite surtout. Un peu de machisme s’impose, puisque c’est de l’Italie dont on parle ici. Le 5 mai 2010, la course légendaire des Mille Miglia (mille milles) revit à travers une parade de voitures anciennes entre Brescia et Rome. Retour sur l’un des plus beaux chapitres de l’histoire automobile.

L'Alfa 8C Spyder de Borzacchini partie à 10:06h (n° 106)
C’est la frustration des habitants de Brescia qui est à l’origine des Mille Miglia (MM). Le club automobile local organise dès 1921 le premier Grand Prix italien. Mais Milan s’accapare le projet et construit l’autodrôme de Monza dans la foulée, en 1922. Aïe! La nouvelle passe très mal à Brescia. Il faudra attendre 1926 et le comte Aymo Maggi, lui-même pilote automobile, pour entrevoir une consolation: une course sur routes publiques fermées de 1000 milles romains (soit 1500 km), entre Brescia et Rome.

De gauche à droite, Aymo Maggi, Franco Marzotti, Giovanni Canestrini et Renzo Castagneto.

Le tracé de 1927.
Le 26 mars 1927, avec l’aide de Giovanni Canestrini, du comte Franco Mazzotti, Renzo Castagneto et l’approbation du pouvoir fasciste de Mussolini, s’élance le premier concurrent à 8:00h précisément. Toutes les minutes s’élance une nouvelle voiture, la plus lente en premier et ainsi de suite, jusqu’à la plus puissante (pour des raisons de simplification d’organisation, et réquisitionner les routes le moins longtemps possible). Chaque numéro indique tout simplement l’heure de départ. La première course est un immense succès avec 77 partants, des Alfa, des OM, des Lancia et même des Peugeot. Sur près de 1700 km, les concurrents se livrent une bataille rageuse (oubliez les casques, les combinaisons ignifugées, les barres de sécurité et les stands) et c’est finalement Minoia et Morandi (sur une OM 665 S) qui l’emportent, en un peu plus de 20h et 77 km/h de moyenne. A l’époque, c’est plus rapide qu’un train express…

Le premier vainqueur des MM: Ferdinando Minoia, sur OM 665 S.
En tout, 25 courses auront lieu jusqu’en 1957, avec une pause de 1941 à 1946 pour cause de 2de Guerre Mondiale. 22 seront remportées par des Italiens, trois seulement par des équipes étrangères: une équipe allemande sur Mercedes-Benz SSK en 1931, une autre sous la bannière nazie avec la BMW 328 Berlinetta en 1941 et enfin le mythique duo Stirling Moss/Denis Jenkinson sur sa non moins fameuse Mercedes-Benz 300 SLR.

Une Alfa 2300 8C, en 1933.
Cette course fabuleuse, outre le fait qu’elle est exceptionnelle a révélé de véritables héros. Le pilote Tazio Nuvolari, originaire de Mantoue par exemple, premier double vainqueur de la course en 1930 et 1933, respectivement sur une Alfa-Romeo 6C et une 8C. D’après Ferdinand Porsche, il n’est autre que « the greatest driver of the past, the present and the future« . Ca en dit long sur cet ancien pilote de moto et fils de motard surnommé The Flying Mantovan (Le Mantouan Volant) et adulé comme un chef d’Etat en son temps.

Le double vainqueur Tazio Nuvolari (à droite), et Achille Varzi.
En 1931, Wilhelm Sebastian dépasse les 100 km/h de moyenne pour la première fois sur les Mille Miglia à bord de sa SSK. Il est aussi le premier non-Italien à remporter la course qui ne cesse d’attirer les foules… jusqu’en 1938, où cette foule justement est fauchée par une Lancia en pleine traversée de Bologne: 10 morts dont 7 enfants. Mussolini interdit immédiatement la course.

Les français Dreyfus et Varet finissent quatrième en 1938 grâce à leur longue Delahaye 135 CS.
Aymo Maggi imagine la fin de son rêve, son « circuit » ayant été foulé par les plus belles autos du monde, spécialement conçues pour cette course, et les premières femmes pilotes : la baronne d’Avanzo, l’actrice Mimi Aylmer et Eugenia Spadon se sont alignées aux côtés du grand Fangio!

A l'approche de la guerre, la propagande nazie s'invite malheureusement sur la 328 de Huschke Von Hanstein...
Mais après la guerre, c’est reparti pour 11 courses. Les Ferrari, quasi absentes jusque là, entament leur suprématie dès 1948. Véritablement née en 1940 avec la Tipo 815 (sur les Mille Miglia d’ailleurs), la marque au cheval cabré se développe seulement à partir de 1947, Mussolini l’ayant confisquée pendant la Guerre. Pas moins de 8 victoires sur les 11 derniers MM organisés, et la naissance d’autos légendaires: la 195 S, la 340 America, la 250 S, la 315 Sport, …

Photo on-board de Louis Klemantaski, co-pilote de Peter Collins (Ferrari 335 S)
Pourtant, c’est une Mercedes-Benz qui perturbe les esprits transalpins. Et de fait, c’est la 300 SLR pilotée par l’Anglais Stirling Moss: 8 cylindres, 320 chevaux et une moyenne de 158 km/h sur 1600 km en 1955! Le co-pilote de Moss, Denis Jenkinson, a écrit l’un des plus remarquables ouvrages de journalisme sportif suite à leur victoire: With Moss In The Mille Miglia.

Sterling Moss et Denis Jenkison dans leur Mercedes-Benz 300 SLR .

Stirling Moss à l'arrivée, en 1955.
Malheureusement, deux ans plus tard, les MM verront leur dernier vainqueur, Piero Taruffi sur Ferrari 315 Sport. Il passe presque inaperçu le pauvre, puisque c’est une autre Ferrari qui fait parler d’elle: le terrible accident d’Alfonso de Portago tue les deux occupants de la voiture et 13 spectateurs du village de Guidizzolo. Drapeau à damier, c’est la fin des Mille Miglia.

Le dernier vainqueur, Piero Taruffi en 1957.
La fin? Pas tout à fait. Depuis 1977, la Mille Miglia Storica refait vivre la course, quelques jours par an, sous forme d’une parade de véhicules d’avant 1957. C’est l’occasion pour 1400 belles dames de sortir de leur musée ou garage privé pour émerveiller les yeux des grands enfants que nous sommes restés. Prochaine session, du 5 au 9 mai 2010. Ceux qui ont une 8C, une 300 SL ou une 328 Berlinetta à inscrire, vous avez jusqu’au 1er février. Pour les autres, vous pourrez toujours vous consoler avec la Goggle Jacket Mille Miglia produite par CP Company en hommage à la tenue des pionniers de la course.
